vendredi 13 décembre 2013

 XIV

(Chronique trop longue)

P- Bonjour Eric. Pourriez-vous nous expliquer les sucettes que vous avez collé sur la poitrine, les files qui pendouillent et qui vous relient à ces machines… qui encombrent présentement le studio?

E- Il s’agit en fait d’un ensemble d’appareils servant à mesurer mes réactions psychophysiologiques à vos questions suivant le postulat que lorsque je ne dis pas la vérité, mes pulsations cardiaques, ma sudorification entre autres sont altérées et il vous est possible par là de constater que je mens.

P- Un détecteur de mensonge?

E- Un polygraphe pour être plus précis.

J’ai ajouté un mécanisme sonore pour que notre auditoire soit alerté si par hasard je ne dis pas la vérité. Parce que.... je suis un génie.
(BRUIT)
C’était pour donner un exemple.

P- Bien. C’est une idée originale.

E- Oui, merci
(BRUIT)

En fait je me suis inspiré des techniques des agents
de la CIA dans la série télé Homeland.
(BRUIT)

J’ai volé l’idée d’un sketch  de Ding et Dong.

(SILENCE)

P- Bien. Ça semble fonctionner. Dites-nous, pourquoi ce souci d’intégrité aujourd’hui?

E- Hier matin, comme je le fais souvent, je consultais les pages web de Radio-Canada, pour me mettre au fait de l’actualité. Or mon attention a été attirée naturellement par la manchette suivante :

« Le Canada demeure l’un des 10 pays les moins corrompus de la planète. »

J’ai trouvé ça quelque peu surprenant!
(BRUIT)

J’ai été étonné.
(BRUIT)

Bon d’accord, j’suis tombé su’l cul!
(SILENCE)

Pourquoi? Depuis des semaines, des mois, on nous rapporte chaque jour  des malversations, des dépenses inappropriées, des abus, que ce soit par le biais de la Commission Charbonneau au Québec, les enquêtes de la GRC sur le Sénat, le cirque Rob Ford à Toronto pour ne citer que ceux-là.

Comment se peut-il qu’à part les Kiwis en Nouvelle-Zélande, quelques pays scandinaves, et le Vatican (BRUIT) tous les autres États du monde soient plus pourris que le nôtre?

Je reviens donc sur l’article du web de Radio-Canada.
On y trouve un palmarès, des noms de pays, et des chiffres.

Retenons la recette.
À chaque instant de notre vie, nous sommes bombardés d’informations (BRUIT), à part quand on sommeille bien sûr.

C’est tout naturel qu’on sélectionne parmi toutes les sources d’infos journalistiques celles qui nous paraissent le plus crédibles.
Je serais bien mal venu de vous dire
que Radio-Canada n’en est pas une pour moi.
Alors pourquoi subitement cette poussée de fièvre sceptique? 

Parce que justement, je sais que les palmarès, les classements, les chiffres, les noms de pays c’est du bonbon pour les lecteurs paresseux...

 En homme de mon siècle j’ai appris à l’école certaines règles mathématiques, des lois immuables et comme ces lois s’expriment en chiffres, il est tentant de conclure que tout ce qui s’exprime en chiffres relève de la vérité.

Mais je suis aussi porté sur les lettres et je sais que 
Mark Twain a déjà dit : il y a les mensonges, les grossiers mensonges et les statistiques.

Et puis les listes, les palmarès comme celles que produisent les revues pour nous indiquer quelles sont les universités les plus méritantes, c’est une façon simpliste d’illustrer des réalités complexes.

Qui plus est, c’est un réflexe naturel de s’identifier à un État, un pays et de préjuger de notre situation en la comparant à celle d’autres États.

Nous sommes à quelques semaines des jeux de Sotchi et on va passer deux semaines à s’évaluer comme Canadiens en fonction du rendement des athlètes auxquels on va s’identifier parce qu’ils portent une feuille d’érable et on va se préoccuper de leur position relative sur un tableau des médailles. Pas vrai? On aime ça les classements et les listes.
Et on aime se comparer aux autres.

Mais, pour revenir à ce palmarès de la corruption des pays… comment fait-on pour mesurer la probité des États?

L’article nous réfère à un organisme non gouvernemental appelé Transparency International.
Le but, l’objectif est noble. Dénoncer la corruption qui  coûte très cher, ça va de soi, mais la dénonciation se limite aux institutions gouvernementales

Je vous avoue candidement qu’avant-hier, je ne savais pas que cette organisation existait. Quand je pense à des ONG je pense à Amnistie international, la Croix ou le Croissant rouge, Médecins sans frontières. Mais.Transparence international?

D’abord comment définissent-ils la corruption?
Il faut fouiller un peu, mais j’ai trouvé dans un dossier sous une rubrique des FAQ (question posées fréquemment- les descriptions suivantes :


Deux sortes : je cite (BRUIT)
Je résume sommairement
Le fait d’abuser d’un poste pour obtenir des faveurs personnelles. Le classique pot de vin.

ET
Le fait de détourner l’intention d’une politique dans le but inavoué de favoriser certains intérêts.

Par exemple; un gouvernement qui sous prétexte de réduire la taille de l’État, et alléger le fardeau des taxes du contribuable, demanderait aux Transporteurs ferroviaires de voir à réguler eux-mêmes la sécurité de leurs opérations et se dispenser de l’examen d’un organisme indépendant plus coûteux. Ce n’est pas de la corruption, à moins que ces mêmes transporteurs contribuent à la caisse électorale du parti au pouvoir à même les économies, les bénéfices obtenus en négligeant leurs devoirs.

Mais comment Transparency International s’y prend-il pour évaluer la corruption? Après tout, les gens qui abusent, je suppose qu’ils dissimulent leurs méfaits?

Revenons à l’article de Radio-Canada :

Le Canada arrive au neuvième rang, à égalité avec l'Australie, pour une deuxième année consécutive, avec un indice de perception de la corruption (IPC) de 81, en baisse de 3 points par rapport à 2012.
Ah tiens : Un indice de perception!
C’est sûrement scientifique. Il y a des chiffres (BRUIT)
En fait ce sont les résultats d’un sondage!
Dans une campagne électorale, il peut arriver qu’on nous sonde à savoir pour quel parti nous allons voter. Il s’en suit qu’on peut projeter les intentions des électeurs en extrapolant  suivant une méthodologie qui doit être explicitée et qui ne se trompe jamais. (BRUIT)
Il arrive aussi qu’on nous demande plutôt, quel parti selon nous va l’emporter.
C’est très différent.
Je peux signifier honnêtement que vais voter conservateur BRUIT- libéral BRUIT, Trotskyste…. mais supposer que c’est un autre parti qui va l’emporter.
Pourtant les résultats seront diffusés à peu près de la même façon. Et il y aura des graphiques et des analyses pour expliquer ce qui va ou ne va pas chez tel candidat, pour justifier les intentions de l’électeur modèle, celui qui n’existe finalement que dans les statistiques basées sur des données de plus en plus douteuses
Or l’étude qui nous intéresse ne peut même pas prétendre à une semblable semi-crédibilité.
Je vais vous dire ce que j’ai trouvé non pas sur le web de radio-canada mais dans les pages de Transparency international, non pas en manchette mais sous le signet Qui sommes-nous, dans le dossier Ressources, au bas dans la sous sous section : questions posées fréquemment :
Qui a t-on consulté? 1000 administrateurs d’entreprises PRIVÉES – anonymes - par pays.
Voilà certainement un échantillonnage de gens neutres (BRUIT)
Parce qu’on sait que dans l’entreprise privée, les pots de vin, la manipulation de données, exercer une influence indue sur des autorités, ça ne se fait pas (BRUIT).

La vraie transparence c’est la vertu par laquelle les actions et les intentions d’un organisme sont offertes à l’examen public… Ça se mesure par la facilité avec laquelle on obtient des réponses aux questions, Pourquoi, comment, quoi et combien.

Malheureusement Transparency International, malgré l’importance de sa cause n’atteint pas les critères de probité que j’exige d’une ONG.

Quand à Radio-Canada, il n’a certes pas menti. Et le sujet valait la peine d’être traité mais j’aurais apprécié une mise en garde, un lien vers des sites plus critiques.


En fait. Une modification subtile au travail du webmestre suffirait à replacer la manchette dans le bon contexte. L'article aurait pu être placé dans la rubrique "International", je l'ai trouvé sous "Économie". Il aurait dû se trouver dans "Webfiction".

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