vendredi 13 décembre 2013

XV

Rolihlahla


P- Vous avez choisi de commencer votre chronique par un conte.

C’est l’Avent et rien ne me prépare mieux aux réjouissances des Fêtes qu’un conte.

Étant donné l’actualité j’ai déniché une petite histoire qui nous vient du peuple Xhosa, l’ethnie qui nous a donné l’archévêque Desmond Tutu, la chanteuse Mariam Makeba, le révolutionnaire Stephen Biko et bien sûr Nelson Mandela.

Il était une fois : Qumatha, le Créateur du monde.
Il veut annoncer à ceux qui peuplent la Terre, qu’ils sont immortels. Or il choisit de faire livrer son message par un caméléon… Allez savoir pourquoi…



C’est une longue expédition pour une créature aux pattes si courtes, on s’en doute. Au milieu de sa course, il choisit de prendre une pause.

Voilà que survient un lézard qui lui demande! Que fais-tu, où vas-tu?

Le caméléon de lui répondre : je reprends mon souffle. Qumatha m’a demandé de livrer aux hommes un message!

Ah bon! Et lequel?

Après la vie, c’est la vie!

Tiens donc! Fais le lézard, qui du coup, repart.
Moins fatigué, plus agile de ses pattes il se présente aux gens de la Terre et leur annonce :
J’ai un grand message que je tiens de Qumatha :
Les gens s’attroupent et l’écoutent.

Je vous annonce qu’après la vie, c’est la mort!
(Pauvre lézard, il avait 50 % des chances d’avoir tort

Stupeur et désolation. Le peuple est affligé d’une grande peine.



Quand quelques jours plus tard survient finalement le caméléon qui demande à son tour l’attention.

Mais personne ne le remarque. Il comprend qu’il est devenu gris, comme la tristesse autour de lui.

Alors il choisit de s’illuminer des couleurs de l’arc en ciel certaines gens le remarquent et alors quelques-uns s’approchent

De la part de Qumatha, je vous annonce qu’après la vie… c’est la vie.

Mais plus personne n’y croit. Les hommes et les femmes ne veulent croire à l’immortalité et depuis lors, les humains meurent.


P : Quoi? C’est tout? Non mais…

Je me garde bien de vous imposer la morale de cette histoire. À chacun de trouver dans son cœur d’enfant, une solution à cette énigme.

P-Alors parlons de Mandela.

E- On l’appelle aussi Madiba, dérivé du nom d’un ancien chef de son clan.

On entend aussi Tata. Qui veut dire papa, comme on dit de lui que c’est le père de la nouvelle nation sud-africaine, la nation arc en ciel.

Mais le prénom qui lui a été donné à sa naissance est
Rolihlahla.

Qui veut dire : Celui qui tire la branche de l’arbre, une expression pour dire un… fauteur de troubles!

Le prénom Nelson, ne lui a été donné qu’à son premier jour d’école. Il était commun pour les instituteurs de rebaptiser des enfants aux noms difficiles à prononcer ou perçus comme inférieurs par la classe coloniale.

Autant de noms, autant d’aspects de cette figure qui nous a quitté.

Moi je préfère Rolihlahla, le fauteur de troubles, le malcommode… le dissident.
Si Mandela avait été un enfant de choeur, un béni oui-oui pensez bien qu’il n’aurait jamais rien accompli de ce qu’on lui doit.



P- Mandela était boxeur.

E- Il disait de lui-même qu’il n’était pas assez puissant pour compenser son manque de rapidité, et pas assez rapide pour compenser son manque de puissance,

Mais l’entraînement l’a bien servi. J’imagine mal un coureur de marathon, ou un marcheur comme Gandhi survivre au régime de Robben Island à casser des cailloux ou passer de longues heures confiné dans une cellule trop étroite.

Non, il fallait la discipline de la boxe, capable de se créer un espace dans le ring. Quand on garde à l’esprit l’athlétisme de Rolilhahla et son intérêt pour la boxe certaines de ses citations résonnent plus fort :

« Un cœur bon et un bon esprit forment toujours une redoutable combinaison »

Ou lorsqu’il dit que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de vaincre la peur.

On le dit moins ces jours-ci parce qu’il convient de souligner le rassembleur, celui qui libère à la fois l’opprimé Et l’oppresseur, mais idéologiquement, Mandela cognait fort de la gauche.

Il n’a pas hésité à reprocher aux Etats-Unis d’être une menace pour la paix dans le monde.

Il a reconnu les efforts de Cuba pour assister l’Afrique dans son affranchissement.

Il a aussi dit que la liberté du monde était incomplète sans la liberté des Palestiniens.

P- Un bon boxeur se doit de savoir encaisser, aussi.

À ce titre : Relisons quelques strophes préférées de Mandela, sorties de la plume de William Henry et son poème Invictus


P- Celui qui a donné son nom au film
de Clint Eastwood!

« Dans de cruelles circonstances
Je n’ai ni gémi, ni pleuré
Meurtri par cette existence
Je suis debout bien que blessé. 

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
»

Rolilhahla dit un jour que son plus grand regret était de ne pas être devenu un champion poids lourd.



Il aurait sans doute aimé parmi tous les hommages, celui que lui a rendu LE champion Mohammed Ali que voici :

« Il nous a fait réaliser que nous sommes les protecteurs de nos frères et que nos frères sont de toutes les couleurs. Il nous a appris que le cœur, l’esprit, l’âme ne pouvaient être restreints par l’injustice raciale et économique, les barreaux de prison ou le fardeau de la haine et la vengeance.
Aujourd’hui il s’élève par delà l’arc en ciel, libre pour l’Éternité.



J’ajouterai pour conclure :
Gardons-nous de déifier Mandela
D,abord ce n,est pas dans le genre du personnage aussi modeste…
Mais surtout :
Et ce serait nous priver de l’espoir de l’imiter


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