Fransaskoises, Fransaskois, collègues et amis de la francophonie,
Les événements récents qui bousculent l'Institut français sont graves et menacent notre capacité, comme fransaskois, à nous doter d'une éducation universitaire dans notre langue qui répond aux besoins de développement de notre communauté. En forçant le directeur de l'Institut français, Peter Dorrington, à quitter ses fonctions dans des conditions brutales et au mépris de la tradition universitaire de collégialité, sans aucune consultation et sans aucune communication auprès du personnel de l'Institut français, tout en profitant de la période du Temps des Fêtes pour en faire l'annonce, la University of Regina confirme ce que nous savions déjà quant au mépris qu'elle manifeste depuis longtemps envers l'éducation universitaire en français et la communauté fransaskoise en général. Le traitement qu'elle réserve à l'Institut français depuis sa création est tout simplement honteux en cherchant à l'isoler et à bloquer tous ses efforts de développement. Aucune faculté, aucun doyen, ne l'accepterait sur ce campus. Et pourtant, elle n'hésite pas à briser l'Institut français comme elle a fait dix ans plus tôt avec l'Institut de formation linguistique dès lors que ces institutions atteignent la capacité de revendiquer une certaine autonomie. Rappelons que depuis 2003, l'Institut français a le mandat de développer et promouvoir l'éducation universitaire en français en Saskatchewan. Il est situé sur le campus de la University of Regina.
Dans le contexte minoritaire qui est le nôtre, l'accès à l'éducation universitaire en français n'est pas un privilège.
Si la University of Regina souhaitait étouffer l’Institut français, elle ne s’y serait pas prise autrement. Tous les projets et programmes en cours sont désormais en péril, tous nos engagements et relations d'affaires avec nos partenaires n'ont plus aucune assurance d'être honorés. Nous y perdrons notre crédibilité et notre fierté comme éducateurs et professionnels. Pourtant sévère quand il est question de gestion et de pratiques administratives, la University of Regina nous réserve un traitement des plus bas et des moins sérieux : elle n'a pas la moindre orientation ni planification stratégique à proposer au personnel de l'Institut français pour les prochains mois et années. Aucune vision quant à l'avenir. Si elle se le permet c'est qu'elle ne croit pas à la capacité de mobilisation des francophones d'ici et d'ailleurs au pays. Ils sont trop isolés et soumis aux diktats des bailleurs de fonds fédéral et provincial. Qui pourrait d'ailleurs s'intéresser à une poignée de francophones en Saskatchewan?
En dépit d’un financement qui nous y autorisait et nous aurait permis de développer une institution universitaire crédible, la University of Regina nous a interdit des professeurs, elle nous a interdit des chercheurs, elle nous a interdit des programmes tout en exigeant de l'Institut français qu'il réponde à des critères de rendement impossibles à tenir qui ne correspondent aucunement à sa réalité ni à celle de la communauté qu'il dessert en priorité. Il a pourtant réussi à travailler dans la perspective du mandat qui lui a été légitimement accordé. Se pourrait-il que l'Université, forte de ses traditions et de sa mission civilisatrice, décide de briser les aspirations légitimes de la communauté fransaskoise à se doter d'une éducation universitaire au risque de menacer son développement. Devra-t-on alors reprocher à la communauté fransaskoise de vouloir s'affranchir d'un comportement que d'aucuns traduiront comme une forme de colonialisme? En posant un geste aussi brutal à l'endroit de l'Institut français, la University of Regina croit qu'elle peut mater les francophones de cette province qui prétendent à une éducation universitaire en français, suite logique à leurs droits durement acquis à une éducation scolaire dans leur langue.
Nous avons été fidèles à la vision transmise par ceux et celles qui nous ont précédés dans la lutte pour une éducation de qualité, juste et équitable. Une éducation nourrie de la singularité de l’expérience française en Saskatchewan mais toujours soucieuse de rejoindre l’universel dans l’esprit qui anime l’idéal de l’Université. Cette éducation ne peut pas se concevoir uniquement en termes de clientèle, d’économie de marché, de concurrence, de chiffres et de statistiques. Elle répond d’abord à un besoin vital d’émancipation d’une population qui aspire à être et à devenir dans le plein exercice de sa citoyenneté. À eux seuls, le mépris et la discrimination dont elle fait encore l’objet justifient notre travail d’éducateurs et notre engagement d’intellectuels.
Notre directeur, en prenant des risques importants, aura tout fait pour prévenir les dérives d’un comportement abusif et irrespectueux de la haute administration de l'université sans toutefois être entendu. Aujourd'hui, il est forcé de quitter ses fonctions. L’université a déjà réussi à instiller un climat d’anxiété et de suspicion, à épuiser le désir de notre personnel et sa capacité de créer et d’imaginer, à poser les jalons d’un terrain où tous les coups sont permis, même les plus bas. C’est à un climat tendu, obscur et brutal que l'université nous prépare et que nous appréhendons.
La University of Regina n'a jamais crû à l'éducation universitaire en français, pas plus hier, aujourd'hui que demain. Elle n'a jamais essayé de comprendre le mandat de l'Institut français et les enjeux de l'éducation universitaire en français en milieu minoritaire. Son discours d'ouverture au dialogue envers la communauté fransaskoise sonne faux. Il est un exercice bien rôdé et poli par son service de relations publiques et de communication. Il est facile de s'y laisser prendre. La vigilance reste de rigueur.
Permettez-moi, enfin, de vous inviter à envoyer un petit message d'encouragement et de remerciement à notre collègue et ami, Peter Dorrington, qui se voit forcer par la University of Regina de quitter la direction de l'Institut français en dépit de l'appui indéfectible de son personnel et l'excellent travail qu'il a accompli comme directeur engagé dans la cause de l'éducation universitaire en français en Saskatchewan et celle du développement global de la communauté fransaskoise. Vous pouvez le contacter à l'adresse suivante : peter.dorrington@uregina.ca
Si « le pouvoir s’attaque directement à la vie, c’est la vie elle-même qui devient résistance », écrivait récemment le philosophe Miguel Benasayag.
Dominique Sarny
Ancien directeur fondateur de l'Institut français
Professeur adjoint
Institut français, University of Regina
306-585-5130
Salut Éric! J'ai envoyé un mot à Peter Dorrington... Pathétique, mais prévisible, ce qui se passe. J'aime bien ton mot sur le sujet dans ton article précédent. C'est le grand nettoyage canadien (de tout ce qui est francophone...).
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