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De l'identité.
(où ai-je laissé mon portefeuille?)
-P En cette semaine nationale de la citoyenneté
nous recevons Éric Boulay. Comment allez-vous?
E- Un petit peu anxieux. Pendant un moment cette semaine j’ai égaré mon
portefeuille. Je vous laisse imaginer mon désarroi.
-P Mais vous l’avez retrouvé.
-E. Voui. Mais il ne s’y trouve pas ce que je cherche.
-P On vous a pris votre
argent, vos papiers
E- Non. De l’argent il n’y en a jamais. Non je cherchais une preuve de ma
citoyennenté canadienne. Puis... c’est embêtant. J’ai rien trouvé.
Oui. Y a ma carte d’employé. Je suis radio-canadien. Y a une photo, et
un numéro. On mentionne aussi mon affiliation syndicale.
On nous sensibilise intensément ces jours-ci sur les différents cancers
roses et plus tard les cancers moustachus. Laissez-moi vous dire que pour se
remettre d’une maladie, un syndicat ça aide en SVP.
Et le travail. C’est très important. La meilleure façon de causer une
crise d’identité chez quelqu’un c’est de lui faire perdre son emploi, j’en suis
sûr.
J’ai trouvé mon permis de conduire.
P- Fiou. Non mais c’est
important. À défaut d’un passeport, c’est sans doute la meilleure preuve que tu
es Canadien.
E- Mais surprise. Et déception. On mentionne ma date de naissance, la
couleur de mes yeux, mon sexe, ma taille. Y a une photo. Je suis certain que
c’est moi. Mais aucune indication de ma citoyenneté. Là où j’avais penser la
trouver il est écrit : CUSTOMER NUMBER.
CONSTERNATION.
Aux yeux des agents qui veillent sur mes déplacements automobiles, mais
aussi en avion, (on nous dit toujours d’avoir sur soi une pièce d’identité avec
photo) je suis d’abord un CLIENT.
Vraiment. Et disons que je n’ai pas de permis de conduire, pcq supposons
que je suis si riche que je me balade en limousine avec chauffeur? Bah.
Peut-être que les millionaires n’ont pas besoin de citoyenneté.
Ou au contraire. Je perds mon emploi. Et je n’ai plus moyen d’être
client?
Est-ce que je suis encore citoyen? Est-ce que je vais devoir montrer ma
carte du club Price!
Doit bien y avoir autre chose dans c’te portefeuille. Carte
d’assurance-maladie – soulagement. C’est merveilleux l’assurance-santé quand
même. Le simple fait d’avoir une carte me fait l’effet d’un tranquilisant.
Mais c’est un soulagement provisoire. Parce qu’il n’y est nullement
indiqué que je suis citoyen. J’ai plutôt un numéro de bénéficiaire.
Nouveau stress. Fouille, fouille, papier, papier.
Certificat de naissance.
P- Ahhhhh!
E- Ben voyez! Aux yeux du registraire général de la province du
Nouveau-Brunswick, quelque chose s’est passé le 22 janvier 1961 qui a fait de
moi Boulay, Joseph John François Eric à Fredericton, comté de York.
Je me rappelle il ya un an, pour me permettre de coacher les enfants au
hockey on m’a demandé une vérification judiciaire.
Ben j’vous jure, je suis entré et en m’appelant Eric,
Mais parce que le secrétariat saskatchewanais lit de gauche à droite, je
suis sorti du bureau je m’appelais Jos.
P-Voyons Eric. Ne dit-on pas
qu’on est ce que l’on mange?
E- (…) Et ce serait
donc la première fois que vous interviewez un bagel aux œufs et aux tomates.
Ç’aurait pu être pire.
P- Une poire
E- Un cornichon
P- Une dinde
E- Une dinde farcie aux poires
P- On glisse un peu
E- Oui. Et c’est précisément l’objet de mon propos.
Présumons pour l’instant que le
fait d'être client de l’Assureur automobile, bénéficaire des soins de santé et
d’avoir été un jour un bébé certifié devenu employé syndiqué à la SRC.
Peut-être qu’un remettant tout ça dans mon bilan, je suis un citoyen
invisible. Je peux aussi avoir à répondre à un recensement mais c’est devenu
facultatif. Je peux avoir à payer des impôts à condition de ne pas être trop
pauvre, ni trop riche.
Le Service canadien du Renseignement doit certainement le savoir si je
suis citoyen. L’ennui c’est que c’est un service SECRET
Mais c’est quoi être citoyen canadien?
Ben c’est de partager certains devoirs ou responsabilités et aussi
certains droits.
P- Par exemple le droit et le
devoir de voter.
E- Oui. Et j’ajouterais, le droit et le devoir de protester. Parlons
vrai. Une fois tous les quatre ans ma citoyenneté me donne droit de voter au
national, me présenter dans un isoloir et là je vais accomplir une chose
prodigieuse. Je vais choisir, un ou une députée, un premier ministre, un parti,
une politique d’immigration, une politique économique, sociale, une politique
étrangère, une politique écologique, une politique linguistique et tout ça avec
UN SEUL X dans une seule case parmi la demi douzaine, des fois plus, des fois
moins de candidats.
Et supposons que le député me convient, mais que son parti me pue au nez
ou l’inverse?
Que j’adhére au programme d’un parti sauf pour l’économie?
Et si rendu au pouvoir les autorités changent d’idée?
C’est déjà arrivé que des politiciens rompent leur promesse.
D’où l’importance du droit de contester.
Mais ça les autorités n’apprécient pas beaucoup.
On sert du gâteau à la cérémonie du serment de citoyenneté et tout le
monde est endimanché. Mais assemblez-vous dans la rue pour vous indigner et
souvent le dessert est parfumé au gaz lacrymogène. Et la première chose qu’on
vous demande?
P- Vos papiers.
E_ Et là c’est fâchant. Parce qu’on n’a rien sous la main pour prouver
qu’on est citoyen. Et le fait de se faire apostropher par un agent, identifié
ou non, fait de nous un dissident. Et de nos jours, c’est glissant. Une
bouteille qui casse, une voiture qui prend feu et quelqu,un vous traite de
terroriste.
Petit à petit, on est devenus des payeurs de taxes, des contribuables,
des bénéficiaires et de temps à autre des électeurs
Mais citoyen?
Encore la semaine dernière, le gouvernement se félicitait d’une entente
avec l’Europe. Mais l’Europe n’était plus un continent, une communauté de
citoyens. Réécoutez les reportages, relisez les documents de presse. L’Europe
est un… marché
Et j’ai bien peur que de nos
jours notre citoyenneté soit aussi un marché.
Plus personne ne peut appeler
aux barricades;
Citoyens de tous les pays unissez-vous!
Peut-être que c’est
rendu :
Clients de toutes les
corporations, mettez vous en ligne.
Votre appel est important pour
nous.
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Pour entendre cette capsule:
http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2013/CBKF/Pourfaireunmonde201310231633.asx
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